La peinture est pour moi un espace d’écoute. Elle me permet de retenir la trace d’une émotion, d’une lumière ou d’un instant qui, dans le flux du quotidien, serait voué à disparaître.
J’observe le monde proche : une tasse oubliée, une fleur fanée, une façade ensoleillée ou un arbre au bord d’un chemin. Ces présences discrètes deviennent les témoins silencieux de notre rapport au réel. À travers la couleur, la matière et un geste lent mais vivant, je cherche à retrouver ce ressenti. Peindre devient une manière de prolonger l’instant, d’en percevoir la présence plutôt que de le décrire, et peut-être de le partager, même si chacun y voit quelque chose de différent.
Le clair-obscur et une touche plus fluide invitent à la contemplation. Rien n’y est jamais figé : les objets semblent avoir bougé à peine un instant plus tôt, laissant la trace d’une présence invisible. La technique, bien qu’essentielle, reste au service du ressenti : j’explore différentes manières de poser la matière (glacis, empâtements, fondus) pour atteindre un équilibre entre précision et émotion.
Dans un monde saturé d’images, la peinture oppose un rapport durable à l’attention : elle invite à ralentir, à accorder du temps à l’expérience du visible, à redonner au regard sa profondeur. Cette approche du réalisme perceptif, nourrie de techniques variées, ne cherche pas à reproduire le monde, mais à l’éprouver. La lumière, le souffle, le silence deviennent matière. Le paysage et la nature morte s’y rejoignent dans une même attention au temps, à la fragilité du visible.
Cette temporalité lente crée une suspension entre apparition et effacement. Elle engage une réflexion sur notre condition : tout ce qui est, est voué à disparaître. La peinture devient alors une tentative de retenir, ne serait-ce qu’un instant, la trace de notre passage avant que le temps ne nous traverse.
C’est un appel à entrer dans mes peintures… et à s’y perdre un instant.
Hubert Schneebeli est né à Genève. Il développe très tôt un intérêt pour les arts visuels, nourri par le design, l’architecture et les grandes traditions picturales. Formé en Suisse puis aux États-Unis (BFA, Art Center College of Design, Pasadena), il construit un parcours pluridisciplinaire mêlant peinture, graphisme et enseignement.
Il collabore à divers projets dans les domaines du divertissement et du cinéma, notamment à la création d’identités visuelles, dont celle de Birken Productions, Inc. Certains de ses travaux sont sélectionnés dans le cadre des Grammy Awards.
De retour à Genève, il poursuit son activité artistique tout en menant des mandats de communication visuelle pour des institutions publiques (Ville de Genève, commune de Chêne-Bourg) et privées (Fondation Bellerive, programme Alp Action mené par le prince Sadruddin Aga Khan.
Longtemps restée confidentielle, sa pratique picturale prend un nouveau tournant en 2019, lors de sa première exposition personnelle au centre des arts à Genève. Deux expositions solo, dont celle de la Galerie d’art Renaissance, au cœur de la Vieille Ville de Genève, marquent une nouvelle étape d’un travail centré sur la lumière, le temps long et la présence.
À travers ses peintures, il poursuit une exploration de la temporalité et du regard, une manière d’habiter le visible et d’en révéler le silence.